Ressenti corporel
Selon Stephen Jourdain, parler de ressenti corporel serait une hérésie, car seul l’esprit perçoit, pas le corps. La voie spirituelle ne concerne que l’esprit. Éric Baret* dit que le corps est une pensée, donc les ressentis corporels seraient des pensées de pensées. Pourtant, Éric Baret parle de ressentis corporels et dit de les observer. Lise Bourbeau dit d’écouter son corps. En fait, quand on parle de ressentis corporels, on parle de perceptions sensorielles du sens du toucher. Elles ne sont donc pas différentes de celles de la vue, de l’ouïe, etc. et même du mental ; ce sont des pensées, en tout cas une certaine forme de pensées.
Dans le bouddhisme, on parle des cinq agrégats (corps, sensation, perception, formations mentales, conscience) qui sont cinq différents aspects de notre fonctionnement qui constituent notre perception à la suite d’un contact entre un objet et un organe des sens. Le corps est un objet de perception ; si le mental ne le perçoit pas, il n’y a pas de corps. Il peut être perçu visuellement ou tactilement. Les autres agrégats sont aussi des objets de perception, même s’ils sont plus subtils et plus difficiles à observer. Le plus facile à observer, c’est celui des formations mentales, ce qu’on appelle généralement les pensées, et qui sont les objets du sens mental. La perception directe, qui intervient avant le début du processus mental, ne fait-elle pas aussi partie de ce processus dont elle serait le premier élément, avant les phases de dualisation (sensation), conceptualisation (perception), commentaire (formations mentales) et mémorisation (conscience) ?
Au moment de la perception directe, et avant le début du processus mental, il y aurait ce que Stephen Jourdain nomme l’impression, qui serait la perception spirituelle, de l’âme, une forme d’intuition peut-être, de connaissance intuitive, qui précède, et reste indépendante de la perception mentale qui donne naissance à la connaissance duelle et conceptuelle habituelle. Cette perception spirituelle, est-elle ce que certains appellent la pure conscience, où il n’y a pas de sujet qui perçoit un objet, mais cette sorte de fusion entre ce qui perçoit et ce qui est perçu : une pure perception non divisée. Mais c’est quand même l’esprit (ou l’âme) qui en est conscient, car sans conscience, il n’y a pas de perception, d’expérience, de corps ni de monde, intérieur ou extérieur, constitué d’objets perceptibles.
Ce soi-disant ressenti corporel, est-il une perception directe ou pure ? Peut-être si on peut le saisir avant la dualisation et la conceptualisation ? Mais dès le moment où il y a un sujet qui l’observe (pour tâcher de libérer une tension ou une émotion), on est retombé dans la soupe !
* Baret (Éric) (né en 1953) : disciple de Jean Klein, Éric Baret enseigne le shivaïsme tantrique du Cachemire. Il est devenu mon principal maître spirituel depuis notre rencontre en 2002.
2 juin 2016, Cabrières d’Aigues