Pratiques bouddhiques
J’ai fini il y a quelques jours Stillness Flowing, le gros livre sur Ajahn Chah*. Dans la fin, il y a des longueurs, surtout dans le chapitre qui concerne les disciples laïques. J’y ai surtout appris beaucoup de choses sur la vie des moines et leurs règles : c’est ce qui m’a le plus intéressé. J’ai repris la lecture d’Ajahn Thanissaro*. C’est un enseignement qui me parle plus. J’ai terminé les trois premiers livres Meditations et viens de faire imprimer les numéros 4 et 5. Comme Ayya Khema*, il insiste beaucoup sur l’importance des jhanas*. C’est la technique que le Bouddha a utilisée pour atteindre l’éveil. C’est aussi, dit-il, un bonheur responsable, puisqu’il ne fait pas de mal aux autres et évite de devoir le chercher dans le monde extérieur où il comporte toujours sa part de souffrance et de stress. Je continue mes méditations tous les matins et je parviens toujours à un état jhanique plus ou moins profond. Il faut que je continue, et que je parvienne aux mêmes résultats l’après-midi, le soir et la nuit, afin de retrouver l’état éveillé que j’avais connu en 1990 et que je puisse le garder tout le temps. Un état où je peux simplement être heureux et avoir le sourire, comme je l’expérimentais hier soir en me promenant à Nimanhemin+. Je pense que c’est la chose la plus importante que je puisse faire, et cela doit être la priorité, même si mon travail n’avance pas beaucoup. Car c’est cet état qui produit la sagesse et la compréhension des choses, et le flux de l’insight*. Il devrait aussi me donner plus d’énergie et me permettre d’être moins fatigué et de dormir moins qu’en ce moment, et aussi me donner le pouvoir mental de gérer et guérir mes problèmes de santé.
L’autre chose sur laquelle insiste beaucoup Ajahn Thanissaro, en suivant l’exemple du Bouddha, c’est de savoir reconnaître ce qui est adroit et maladroit (skillful and unskillful), dans nos actions, nos paroles et nos pensées ; et ce qui conduit, ou non, à la cessation de la souffrance et au véritable bonheur, pour nous, et en conséquence pour notre entourage. C’est cela qui devrait être la principale, si ce n’est la seule, préoccupation de notre existence sur cette planète. La pratique est d’observer constamment les moments de bonheur ou de souffrance dans notre vie, leurs causes, et où se sont situées l’adresse ou la maladresse, afin de changer nos intentions et nos stratégies. Le bouddhisme est simple : pratiquer les jhanas, pour produire un état de calme et de bien-être qui donne naissance à la sagesse (l’insight) qui va nous permettre de mieux observer et comprendre notre fonctionnement, afin d’apprendre à être adroit plutôt que maladroit dans toutes nos actions du corps, de la parole et de l’esprit.
* Ajahn Chah (1918-1992) : l’un des maîtres bouddhistes thaïlandais les plus vénérés du vingtième siècle. En 1954, il fonda, dans le nord-est de la Thaïlande, le Wat Nong Pah Pong, et en 1975 le Wat Pah Nanachat. En 1978, il créa Cittaviveka, le premier monastère theravada en Angleterre. Souffrant du diabète, il passa les dix dernières années de sa vie paralysé et incapable de parler. Son enseignement est toujours pratiqué dans plus de 250 monastères affiliés à sa tradition, tant en Thaïlande qu’à l’étranger.
* Thanissaro (Ajahn) : maître américain de la tradition theravada, disciple de la lignée d’Ajahn Lee, il est l’abbé du Wat Metta, en Californie, et vient régulièrement enseigner en France.
* Khema (Ayya) (1926-1997) : née à Berlin, Ayya Khema fut ordonnée nonne en 1979 au Sri Lanka. Elle enseignait le bouddhisme theravada et la pratique des jhanas, les absorptions méditatives. Elle fonda en 1978 le Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt situé en Australie, où j’ai fait ma première retraite avec elle en février 1990 (voir mon livre Le parfum de l’éveil). Elle fut ensuite mon principal maître spirituel jusqu’à sa mort.
* Jhana (pali ; sanscrit : dhyana) : absorption méditative. Les jhanas sont des états de profonde méditation produits par la concentration. Les enseignements du Bouddha citent huit jhanas – quatre jhanas de la sphère matérielle subtile et quatre jhanas de la sphère immatérielle. Si Ayya Khema* insistait beaucoup sur l’importance de la pratique des jhanas, curieusement, ils sont rarement enseignés dans les milieux bouddhistes occidentaux, et même souvent déconseillés.
* Nimanhemin : quartier très animé de Chiang Mai.
* Insight (anglais) : littér. vision intérieure. Terme utilisé dans le bouddhisme pour désigner la méditation de la sagesse (vipassana, insight meditation), par opposition à la méditation du calme (samatha). Ce mot est couramment utilisé en anglais pour nommer une vision intérieure, révélation, compréhension, intuition profonde, prise de conscience… Comme je n’ai pas trouvé de mot français qui me semblât approprié pour exprimer la véritable connotation d’insight, j’ai préféré garder le mot anglais.
24 février 2018, Chiang Mai