Essence
L’essence (la nature fondamentale) est le contenant, la manifestation est le contenu, même s’ils sont inséparables.
Pour un maître éveillé, qui incarne l’essence, elle est sa présence, pas ce qu’il dit ou ce qu’il fait, qui est le contenu ou la manifestation de l’essence ; aussi, si on se concentre sur sa parole, sur son apparence, sur l’environnement, on manque l’essence. L’essence est ressentie dans le cœur, même si ce n’est pas une émotion, ni un ressenti corporel, mais elle n’est pas comprise par le mental. En fait, c’est notre essence qui ressent l’essence. Quand on ressent l’essence, cela signifie que notre essence s’éveille. L’essence est dans tous les êtres et en toutes choses, mais elle apparaît plus ou moins fortement. Lorsque notre essence est éveillée, nous percevons l’essence en toute chose, mais lorsqu’elle ne l’est pas, seuls les êtres ou les choses où elle est très forte peuvent l’éveiller en nous. En particulier les êtres éveillés ; mais aussi la nature : certains paysages, un arbre, une fleur, un arc-en-ciel ou un coucher de soleil, certains animaux plus que d’autres ; et les œuvres d’art, surtout celles qui ne font pas trop appel au mental ni aux émotions, mais qui incarnent une beauté subtile et simple : un poème, une église romane, une toile de Rothko ou de Turner, une musique de Bach ou de Miles Davis… des œuvres qui émanent directement de l’essence.
La perception de l’essence fait taire le mental et les émotions, et c’est dans ce silence que notre propre essence peut émerger, et révéler alors l’essence en toute chose. Le mental et l’émotion ne perçoivent que le contenu des choses, pas leur essence !
Je lis avec beaucoup d’intérêt le livre de A. H. Almaas*, Essence.
L’essence (la nature de bouddha, la pure conscience, la claire lumière…) serait une substance, mais pas de la matière ordinaire, de la matière subtile d’une autre dimension. En tout cas, elle n’est ni le mental, ni les émotions, ni le corps, ni une énergie. La réalisation de la vacuité serait une étape incontournable pour réaliser l’essence, qui n’est toutefois pas la vacuité. Ceux qui semblent avoir décrit le plus clairement l’essence sont les soufis (et Gurdjieff), et aussi Sri Aurobindo. Il semble qu’on puisse découvrir l’essence par étapes avant d’avoir complètement abandonné la personnalité.
L’essence (de toute chose) serait une sorte d’espace substantiel. Peut-être la masse cachée de l’univers ?
Ainsi, la manifestation ne naîtrait pas du vide ou de la vacuité, mais de l’essence, d’une substance subtile et invisible (aux sens externes), dont les expressions se densifieraient et se subtiliseraient… peut-être semblables aux champs quantiques ondulatoires qui se manifestent sous forme de particules. Ainsi, la sagesse des électrons (de la matière), chère à Jean Charon*, existerait déjà sous une forme subtile dans le champ (qui serait l’essence). La lumière serait aussi une forme plus subtile que la matière, mais déjà une manifestation de l’essence.
Dans la Diamond Approach, Almaas parle des couleurs, qui sont les différents aspects de l’essence. Ces couleurs sont des expressions de la claire lumière. L’essence est donc lumineuse, consciente et omnisciente, et est ainsi la source de toute manifestation.
Tant qu’il y a quelqu’un qui s’approprie l’essence (je suis), c’est qu’il y a encore un ego subtil qui est conscient d’une expérience personnelle.
* Almaas (A. H.) : auteur et enseignant spirituel américain koweïtien qui enseigne une approche du développement spirituel éclairée par la psychologie et la thérapie modernes qu'il appelle l'approche du diamant. Almaas est le mot arabe pour diamant.
* Charon (Jean) (1920-1998) : physicien et philosophe français qui a émis l’hypothèse qu’il existerait une forme d’esprit ou de conscience dans la matière.
29 décembre 2015, Chiang Mai